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1 – Sers chaud, Marcello !

Un vent de pluie soufflait sur la corniche, les garçons de café repliaient les parasols. J’ai remonté le col de mon blouson. Le premier coup de tonnerre éclata un quart d’heure plus tard alors que je me trouvais à la hauteur du café Celou. C’est une sorte de cave, on y accède par quelques marches, côté rue deux fenêtres grillagées papillotent comme les yeux d’un vieillard. Marcello empile les journaux du matin sur ma table préférée. J’aime me retrouver ici, goûter à la tambouille du patron. Marcello, C’est le cuisinier blessé d’un monde qui ne lui fait plus ni chaud ni froid… comme le gratin Dauphinois qu il vient de me servir. Il fait tout. La cuisine, le service, le ménage… Il s’assoit à ma table, on dit tout et rien, comme on le fait avec un pote ronchon. J’entends sa voix fatiguée me raconter toujours les mêmes choses sans interet. Sauf pour lui et moi.
– Putain ! Fait un effort Marcello….. Sers chaud. Si ça régale pas, au moins ça réchauffe …
Ca le fait rigoler…. Il n’en a rien à foutre
– Mais yé néveut pas que tou té broule la bocca…
– Nous balance pas ton accent rital en bois… Tu sais, tu peux dire les mêmes conneries sans accent… Tu le sais ça ?
Bon, dis-moi, tu te doute bien que je ne suis pas venu chez toi pour manger un gratin dauphinois, parce que pour tout de dire, il est pire que celui que j’ai mangé à ta table l’année passée à la même époque.
Parle moï plutôt de ce projet de dépollution de la zone où on prévoit un programme immobilier pour des nabab qui veulent nous croquer un bout de nos calanques…
Il m’indique de retourner à table et revient avec deux cafés et deux poires que j’évalue dès la première gorgée à plus de 50 Degrés.
Il pointe l’index vers Callelongue…
– Ils sont un peu plus loin, à 200 m environ. Déjà sur le site. Ils mesurent, repèrent, posent des marques et nous disent qu’ils vont dépolluer les sols. Tu parles…. ils vont nous emboucaner, c’est sûr. Cet endroit a concentré tout ce que l’industrie chimique à produit de pire depuis le début de l’industrialisation. Mercure, plomb, arsenic,… et j’en passe. La méthode de nettoyage retenue, c’est l’excavation. Ils creuseront le sol, prétendant en debarasser les poisons accumulés.. Les jours de mistral, on en prendra plein la gueule, ça va gonfler les prostates, trouer les vessies, ronger les poumons… Les médecins du coin les plus courageux, te diront les ravages probables déjà causés par les saloperies accumulées.
De Callelongue jusqu’à Salon de Provence, de Carry à Cassis on colmatera les portes, on fermera les fenêtres… et puis, comme c’est seulement dangereux quand on respire… on arrêtera de respirer.. tout simplement….
Marcello me fixe.
– Dis-moi Donat, c’est Amandine qui t’a demandé d’enquêter sur le sujet ?
Oui… Défendre les Calanques c’est important, non?…  Et pour tout te dire j’en ai un peu marre d’écrire sur les cuisiniers. Ils  ne jurent que par l’héritage de leur grand-mère et les trahissent dans chacune de leurs recettes. Tiens, toi, à force de le revisiter, tu le reconnais le gratin dauphinois de ta grand-mère ? Alors je me recentre. Voilà pourquoi je n’évoquerai pas ton gratin dans le blog…  ne sois pas inquiet, j’ai d’autres chats à fouetter. Ciao bello.

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